L’écrivain et le compositeur: Marcel Proust et Reynaldo Hahn. Une création à quatre mains. Par Philippe Blay, Jean-Christophe Branger et Luc Fraisse. Paris, Classiques Garnier, ≪ Bibliothèque proustienne no 21 ≫, 2018, 229 p.
De la correspondance entre Marcel Proust et Reynaldo Hahn nous ne connaissons que les lettres de Proust, celles de Hahn sont jusqu’a ce jour restées introuvables. Proust partageait avec son ami ses émotions, ses expériences de la vie mondaine, ses goûts litteraires et musicaux, ses progrès lors de l’écriture de Jean Santeuil et plus tard de la Recherche. Mais nous ne pouvons que deviner le contenu des lettres de Hahn. La présente étude, parue en 2018, permet de combler en partie cette lacune. Luc Fraisse, éminent spécialiste proustien, et les musicologues Philippe Blay et Jean-Christophe Branger y ont rassemblé leurs connaissances pour tenter de reconstituer les relations esthétiques, créatrices entre le compositeur et l’écrivain.
Dans ce double portrait, ils éclairent les échanges féconds entre les deux artistes qui, après une brève relation amoureuse entre 1894 et 1896, sont restés liés par une amitié durable. A l’aide notamment de correspondances inédites, les trois auteurs situent Reynaldo Hahn dans le monde musical de la belle époque, ils mettent en relief la présence du musicien dans l’oeuvre de Proust et le rôle que Proust joue à son tour dans les écrits de Hahn. Parmi leurs sources se trouve la correspondance de Hahn avec Jules Massenet, son professeur au conservatoire de Paris, avec le pianiste Edouard Risler, son ami du conservatoire, et avec les dames Lemaire, dans le salon desquelles Proust et Hahn se sont rencontrés en mai 1894. Puis il y a encore trois textes ultérieurs de Hahn – Du chant (1920), La grande Sarah : souvenirs (1930), Notes : Journal d’un musicien (1933) – ainsi que la documentation mise à la disposition des chercheurs par ses ayants droit. Et, bien entendu, l’oeuvre de Proust. Quand il commence Jean Santeuil, en 1896, Proust écrit à Hahn : ≪ Je veux que vous y soyez tout le temps mais comme un dieu déguisé qu’aucun mortel ne reconnaît ≫. Et c’est ainsi que Hahn figurera dans l’oeuvre proustienne, invisible mais, en dépit de la subtilité des allusions, reconnaissable. Certainement après la lecture de ces études qui témoignent de la fécondité d’une démarche interdisciplinaire, réunies dans un beau volume illustré de la ≪ Bibliothèque proustienne ≫.
Pour lire la suite: Marcel Proust Aujourd’hui, no 16 Proust et l’argent, Leyde, Brill, 2020, p. 200-205. DOI